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Messenger Kids : pourquoi faut-il des alternatives ?

[stumble]Messenger Kids, le Facebook Messenger pour les enfants, fait débat des deux cotés de l’Atlantique. Voici ici le point de vue de Jérôme Serre, fondateur de l’application Monster Messenger.

Début décembre 2017, Facebook a discrètement lancé sur le marché américain Messenger Kids, une version simplifiée de sa messagerie instantanée Facebook Messenger pour cibler les enfants de moins de 13 ans. L’app n’était initialement disponible que sur les appareils Apple et Amazon. La version Android vient d’être publiée aux Etats-Unis, ce qui présage d’un déploiement mondial dans les mois à venir.

Dire que Messenger Kids est controversé serait un euphémisme

Bien que Facebook prétende que l’app a été développée “en écoutant les parents et les experts”, un article de Wired précise que plus de la moitié de ces experts étaient financés par Facebook, et que des organismes indépendants de référence et très respectés dans le domaine comme Common Sense Media n’ont pas été consultés

En janvier, un collectif de défenseurs de l’enfance, réunissant des spécialistes de l’enfance, des éducateurs, des thérapeuthes et des associations (dont Common Sense Media), ont adressé une lettre ouverte à Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, pour lui demander de retirer Messenger Kids. Sans résultat.

Messenger Kids effraie tant les éducateurs que la revue MIT Technology Review, une référence dans le monde du digital, considère que les parents devraient éviter Messenger Kids à tout prix et s’enfuir en courant !

Les critiques se trompent de combat

La question n’est pas tellement de savoir si oui ou non Messenger Kids nuira à la santé mentale et au développement des enfants en augmentant le temps qu’ils passent devant les écrans et en encourageant des comportement addictifs. Cela sera certainement le cas, mais il est difficile de dire aujourd’hui jusqu’à quel point.

Nous pensons que la vraie question tourne autour de la constitution d’un monopole de fait de Facebook sur les réseaux sociaux pour les enfants. Si cela devait se réaliser (et la probabilité que cela arrive est importante), cela aurait des conséquences toxiques sur la société dans son ensemble.

Facebook ne reculera pas sur Messenger Kids. En fait Facebook ne répond que du bout des lèvres aux critiques qui lui sont adressées. Et le géant des réseaux sociaux n’a pas besoin de dire quoi que ce soit pour réussir. Il lui suffit de cibler tranquillement (mais inlassablement) les comptes des plus de 1 milliards de parents qui utilisent Facebook chaque jour. Un jour ou l’autre, ils adopteront Messenger Kids.

Une fois qu’une masse critique sera atteinte (environ 15% des enfants), les enfants qui ne seront pas inscrits sur Messenger Kids commenceront à être “déconnectés” de leurs pairs, à un âge (entre 5 et 10 ans) où le besoin d’intégration au groupe est le plus fort. Cela augmentera considérablement leur désir de rejoindre Messenger Kids et la pression sur leurs parents pour inscrire leurs enfants.

Cela créera une boucle fermée de recrutement avec une barrière à l’entrée infranchissable pour les concurrents. En effet, autant les adultes sont en général inscrits et actifs sur plusieurs réseaux sociaux, autant les parents préféreront se simplifier la vie en n’inscrivant leurs enfants que sur un réseau.

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Hors de la firme de Menlo Park, point de salut ! Mamie veut parler avec ses petits-enfants, qu’à cela ne tienne, elle n’a qu’à se créer un compte Facebook, elle qui restait soigneusement à l’écart ! Facebook fait d’une pierre, deux coups : non seulement les plus jeunes seront aspirés dans la toile de Facebook à partir de 5 ans, mais les seniors qui n’étaient pas encore inscrits viendront avec !

En raison de l’emprise inégalée de Facebook sur les parents, ce marché deviendra vite plus que difficile pour les entreprises qui se mettraient en tête d’offrir une solution concurrente. Et il est probable que les investisseurs, privilégiant la sécurité, s’abstiennent de financer des initiatives concurrentes. En fait, plus l’audience de Messenger Kids sera importante, et plus cela sera difficile pour un concurrent d’exister.

Les monopoles sont toxiques

Quel que soit le marché, les modèles de macro-économie s’accordent sur ce point : les monopoles sont toxiques pour les clients finaux, en effet, en l’absence de concurrence, rien ne s’oppose à l’avidité et à la cupidité de l’acteur en situation de monopole.

Que penser alors d’un monopole lorsque ce qui est en jeu c’est le cerveau de nos enfants ?

La firme de Menlo Park est prompte à souligner que, pour le moment, il n’y a pas de publicité dans Messenger Kids. Mais c’est une stratégie commune en phase d’acquisition d’audience. Qu’en sera-t-il lorsque Messenger Kids aura recruté l’essentiel des enfants ?

Sans même parler des déviances propres à tous les monopoles, quelle confiance peut-on accorder à une entreprise qui proposait récemment à des annonceurs de cibler des jeunes utilisateurs identifiés comme étant dans une phase de vulnérabilité psychologique, qui se sentaient “nuls”, “fragiles” ou “stressés” ?

Un monopole de Messenger Kids sur les enfants serait une menace pour la génération à venir

Comme le législateur intervient toujours après la guerre, seuls des concurrents pourront forcer Facebook à rester éthique dans sa gestion de ses utilisateurs enfants. Sans concurrents comme Monster Messenger pour le challenger, Messenger Kids deviendra quelque chose de vraiment très sombre dans la durée, et aucune lettre ouverte ni post de blog n’y changera rien.

Jérôme est un entrepreneur Français qui a créé plusieurs entreprises et un cabinet de conseil en innovation, ExploLab. Il est co-fondateur et dirigeant d’eduPad, une startup qui publie des apps pour les familles sous les marques iTooch (éducation) et Monster Messenger (messagerie instantanée sécurisée pour les enfants et leurs familles).  Jérôme fait partie des 100 personnes les plus influentes au monde dans l’Edtech (Hottopics).

Journaliste web et père de deux grands ados, j'aime tester de nouvelles applications et regarder des séries télé tard le soir.

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