Étude : quelle utilisation des écrans chez les enfants pendant le confinement ?
La période de confinement a bouleversé nos usages des écrans à la maison. L’étude CovidEcransEnFamille propose d’identifier les conséquences sociales du confinement chez les enfants de 6 à 12 ans, en particulier celles qui sont liées aux usages des écrans.
[article à lire dans le n°3 du Magazine Geek Junior]
Les porteuses du projet, Catherine Dessinges (Maitresse de conférences, Université Lyon 3 – Centre de recherche Marge) et Orélie Desfriches-Doria (Maitresse de conférences, Université Paris 8 – Laboratoire Paragraphe) nous révèlent les premiers résultats de cette étude.
Le taux d’exposition quotidien aux écrans s’élève dans votre étude à 7 h environ. Quelle est la différence par rapport à ce qui a été observé dans d’autres études avant le confinement ?
Il est difficile de connaitre exactement le temps d’écrans des enfants de 6 à 12 ans avant le confinement, car nous n’avons pas fait d’enquête comparée. Mais une étude, conduite par une Caisse d’allocations familiales en Belgique relate que « les enfants de 7 à 13 ans passaient plutôt 1 à 2 heures par jour devant un écran » avant le confinement. Cette étude repose également sur des temps d’exposition déclarés par les parents. Il s’agit donc d’estimations.
Au cours de la période de confinement, l’étude montre que les 6-12 ans ont diversifié leurs usages des écrans. Pourriez-vous détailler un peu en quoi consiste cette diversification ?
Le confinement étant une période exceptionnelle au cours de laquelle les enfants ont dû continuer à suivre leurs cours à distance, le principal usage qu’ils ont eu des écrans est un usage de scolarité (consultation, production et envoi des devoirs, recherche d’informations, etc.) Les 9-12 ans pouvaient y consacrer jusqu’à 4 h par jour ! Ensuite, ils se sont beaucoup divertis, en moyenne 3 h/jour, notamment à travers le visionnage en famille de contenus audiovisuels (films, dessins animés, etc.) et les jeux vidéo. Enfin, ils ont consacré en moyenne 1 h par jour à parler, tchatter, échanger des photos et des émoticônes via les écrans avec leur famille proche et leurs ami.e.s : c’est ce qu’on appelle un usage de sociabilité.
Vous observez une socialisation des enfants à partir de WhatsApp. Pourquoi cette application plutôt qu’une autre ?
Certains dispositifs de communication ont été utilisés de manière préférentielle par les enfants pour se connecter à leurs pairs : les applications mobiles de type WhatsApp ont largement dominé les échanges médiatisés (62 % y ont recours de manière très fréquente) à côté du téléphone (64 %) ; les outils de type Skype et Zoom arrivant loin derrière (39 %). Le succès de Whatsapp s’explique notamment par le fait que les enfants se sont beaucoup servis du smartphone de leurs parents pendant le confinement. Or les parents utilisent beaucoup cette application gratuite. Certains enseignants l’ont également utilisée pour que les enfants d’une même classe puissent garder le contact et s’envoyer leurs productions créatives, répondre à des défis, etc.
Quels sont les nouveaux comportements dans les usages numériques que vous avez observés, où ceux qui vont ont le plus surpris ?
Plusieurs comportements nous ont surpris. Tout d’abord le fait que beaucoup d’enfants ont échangé entre eux des contenus que les parents peuvent estimer non intéressants, parce que ce sont des échanges anodins, ordinaires, qui ne portent en eux aucune information utile, mais qui visent à rester en contact, passer du temps ensemble et lutter contre l’ennui. Parfois, les enfants pouvaient rester connectés via leur écran, en étant silencieux, en vaquant chacun à leurs occupations, juste pour ne pas être seuls : la coprésence numérique a permis de combler l’absence de lien physique et leur sentiment de vide relationnel. La solidarité numérique des enfants pour contourner les interdits parentaux était aussi surprenante : une fillette avait par exemple recours à Skype sur son ordinateur pour montrer des contenus de TikTok installé sur sa tablette, à sa copine, comme les parents de cette dernière lui interdisaient les réseaux sociaux.
Quel a été aussi le « retour d’expérience » des parents sur la gestion des écrans en période de confinement ?
Globalement, les parents ont eu une appréciation différente des écrans au cours du confinement du fait que ces derniers ont permis d’assurer la transmission des devoirs et de faciliter la continuité pédagogique. Mais ils ont aussi permis d’occuper les enfants et ont représenté un temps de décharge organisationnelle leur permettant d’avoir un peu de temps libre pour s’occuper de leurs propres activités domestiques ou professionnelles.
Par ailleurs, les parents ont globalement déclaré avoir eu moins de conflits au sujet des écrans qu’habituellement, et ceci est en partie dû au fait qu’ils étaient plus permissifs sur les temps d’exposition. Cependant, même si les parents reconnaissent que les écrans les ont aidés à supporter la situation de confinement, il n’en demeure pas moins que ces outils représentent pour eux, au quotidien, une source de préoccupation quant à l’impact qu’ils peuvent avoir sur la santé de leurs enfants.
Si vous êtes parent d’un enfant de 6 à 12 ans, vous pouvez encore participer à cette enquête. Des résultats définitifs seront publiés ultérieurement.
- Pour participer à l’enquête : bit.ly/CovidEcransEnFamille
- Pour lire le rapport intermédiaire : bit.ly/RapportCovidEcrans