Sortie BD : « Le grand large », un récit sur le grand saut vers l’âge adulte
Jean Cremers nous offre avec « Le grand large » un beau roman graphique sur le passage à l’âge adulte. Un récit à la fois initiatique et métaphorique très original.
« On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans » disait Arthur Rimbaud dans l’un de ses poèmes. Mais, il faut bien grandir un jour aussi. Comment alors naviguer sur les flots de la vie ? C’est à travers ce roman graphique que Jean Cremers tente de répondre à cette question en convoquant la force de l’imaginaire pour une métaphore du grand saut vers l’âge adulte. Ce récit initiatique plein de péripéties, que l’on lit d’une traite nous parle des rencontres marquantes et de ces épreuves nécessaires qui nous forgent.
Sac sur le dos, Léonie se retrouve au milieu de nulle part, ou plus exactement en plein milieu de l’océan ! En lui apprêtant une embarcation, ses parents l’ont tout simplement forcée à prendre le large ! On est frappé dans les premières pages par cette métaphore finalement assez brutal du nécessaire détachement des enfants de la maison familiale. Les parents, dans ce récit, s’en débarrassent symboliquement en mettant la pauvre Léonie, manifestement pas du tout préparée à ça, à devoir désormais naviguer seule sur l’océan de la vie.
Mais pour aller où ? Comment diable va-t-elle s’y prendre pour trouver la terre ferme à l’aide de ses simples rames en bois ? Apeurée, elle va découvrir un univers sans foi ni loi où la nature, le hasard et la détermination vont guider sa barque. Bonne nouvelle: elle n’est pas si seule puisqu’elle rencontre Balthazar, un adolescent dont le canoë prend l’eau de toutes parts.
Dans cette immensité, tout le monde n’est donc pas logé à la même enseigne. Les yachts et les bateaux à moteur circulent à toute allure et ne se gênent pas pour détrousser le voisin. Parmi ce faste, il y a aussi ceux qui semblent avoir abandonné tout espoir d’accoster un jour, comme Agathe, qui s’est laissé porter par le courant… Quand ces trois naufragés se croisent, l’aventure prend un autre tournant. Léonie, décidée à trouver un rivage, va embarquer Agathe et Balthazar pour une traversée éprouvante et parfois dangereuse. En creux, l’auteur nous présente ici un réquisitoire sans fard sur notre société, où la compétition prime sur la solidarité, et où l’exploitation des plus faibles s’assument de plus en plus.
Avec « Le grand large », Jean Cremers propose une expérience graphique très différente de ce que l’on a l’habitude de lire. Il faut déjà accepter le postulat de départ avec cet abandon très métaphorique des parents. Ensuite, on part dans une aventure que l’on ne lâche pas, des personnages très attachants, une mer forcément imprévisible. On apprécie aussi la construction graphique de l’ouvrage et des cases, où parfois nous sommes dans des moments d’action où l’on passe vite d’une page à l’autre, et où à d’autres moments, on prend le temps, comme l’auteur, de sentir la présence de la mer et les pensées des personnages, avec des cases avec juste un ou deux détails.
- Auteur : Jean Cremers
- Éditeur : Glénat BD
- Thèmes : amitié, voyage
- 248 pages
- Sortie : 3 janvier 2024
- Prix : 24.50 €